Dans la perspective du projet de loi que le gouvernement devrait déposer avant l’été, l’Assemblée Nationale a publié le 12 février 2013 un rapport d’information sur la gouvernance des grandes entreprises.

Nous avons le plaisir de vous adresser, ci-joint, l’analyse d’ESSERE ASSOCIES concernant les vingt propositions du rapport, complétée par une suggestion de plan d’action.

Si ces propositions sont traduites dans la loi, elles apporteront des changements majeurs à la gouvernance des entreprises françaises, cotées et non cotées.

Elles impliqueront un encadrement plus strict de la gouvernance, une exigence accrue de conformité des pratiques, notamment des rémunérations, une responsabilisation accrue des administrateurs et mandataires sociaux, un renforcement du droit de vote des actionnaires et du pouvoir de sanction du régulateur.

Ces propositions concernent de nombreuses entreprises. Par exemple pour les sociétés cotées, vu les seuils évoqués, le champ d’application ira bien au-delà des entreprises du SBF120.

Les entreprises concernées devront obligatoirement se référer à un code de gouvernance. Le législateur encadrera le contenu des codes, l’AMF et une autorité de contrôle des entreprises non-cotées (à désigner) auront un rôle conséquent dans leur élaboration. Les codes pourraient faire l’objet d’une négociation entre partenaires sociaux (la mission d’information ayant une conception de la gouvernance intégrant l’ensemble des parties prenantes, au-delà des seuls actionnaires).

En cas de dérogation insuffisamment justifiée au code, les autorités de contrôle auront pouvoir d’injonction, éventuellement sous astreinte, et d’application de sanctions pécuniaires.

Le pouvoir des actionnaires sera accru, en conférant un vote double aux actionnaires de longue durée (deux ans), en soumettant au vote de l’assemblée générale la rémunération des dirigeants (« Say on Pay« ), en abaissant le seuil exigé des actionnaires pour pouvoir demander l’inscription de projets de résolution à l’assemblée, en instaurant une procédure d’action de groupe permettant d’engager la responsabilité des dirigeants mandataires sociaux.

L’implication des salariés de l’entreprise dans sa gouvernance sera encouragée par la loi, notamment par une représentation obligatoire des salariés, avec voix délibérative, au Conseil d’administration ou de surveillance.

Les entreprises devront présenter des plans d’action en faveur de la diversité de leurs Conseils.

Diverses mesures encadreront plus strictement les rémunérations des dirigeants :

  • Réglementation plus contraignante de certains éléments de rémunération, notamment interdiction des retraites chapeau, obligation d’associer des critères de performance RSE à la rémunération en titres,
  • Limitation des rémunérations « excessives » par une fiscalité dissuasive, notamment par la non déductibilité à l’impôt des sociétés,
  • Obligation de produire un rapport spécifique sur la politique de rémunération et les éléments détaillés des rémunérations des dirigeants mandataires sociaux,
  • Introduction du Say on Pay,
  • Contrôle accru des commissaires aux comptes sur les conventions réglementées,
  • Obligation d’instaurer un Comité des rémunérations et formalisation par la loi des compétences qu’il devra exercer.

Si le Parlement ne traduira pas nécessairement toutes ces propositions dans la loi, nous pensons qu’il y a suffisamment d’éléments directionnels pour entamer sans attendre un travail d’anticipation.

1. Pour les sociétés cotées

Nous recommandons de mettre en œuvre un plan d’action qui pourrait comprendre les points suivants :

  • Constitution d’un groupe de travail composé d’administrateurs et de membres de la Direction Générale, éventuellement piloté par le Président du Comité des rémunérations,
  • Etablissement de la cartographie des actionnaires institutionnels, et simulation de l’impact du droit de vote double sur les résolutions d’assemblées antérieures en vue d’identifier les sujets « à risque », notamment concernant les rémunérations,
  • Conduite d’une évaluation (avec un regard externe) de conformité des pratiques de gouvernance et de rémunération de l’entreprise avec le code de gouvernance actuel, identification des points d’alerte et évaluation de la pertinence des explications fournies en cas de dérogation,
  • Conduite d’une évaluation du Comité des rémunération au regard de l’évolution probable de ses responsabilités, et notamment son rôle dans le dialogue avec les investisseurs,
  • Préparation d’ un projet de rapport spécifique sur la rémunération qui :
    • Identifie les éléments spécifiques de la stratégie de l’entreprise, de son modèle économique et de ses valeurs, à prendre en compte dans l’élaboration de la politique de rémunération,
    • Formalise la politique de rémunération des dirigeants (panel de comparaison, positionnement par rapport au panel, structuration des packages en éléments garantis versus variables, court terme versus différés, finalités des éléments variables, objectifs de performance et granularité des objectifs…), ainsi que sa cohérence avec les pratiques de rémunération appliquées aux autres salariés de l’entreprise,
    • Met en valeur au travers de la communication les packages de rémunération individuels, les plans de rémunération en capital…,
  • Analyse des outils de remplacement aux éléments de rémunération qui pourraient être interdits ou pénalisés fiscalement (stock-options, attribution d’actions, retraite chapeau…).

2. Pour les sociétés non cotées

Il y a selon notre expérience une plus grande disparité de l’état de la gouvernance dans les sociétés non cotées que dans les sociétés cotées, qui ont pu converger vers le code AFEP-MEDEF depuis plusieurs années. A titre préliminaire, pour évaluer l’ampleur des changements à effectuer, les sociétés non cotées pourraient conduire une analyse de conformité au code AFEP-MEDEF, notamment au niveau de la composition du Conseil, de ses modalités de fonctionnement et des pratiques de rémunération.

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