Dans la perspective du projet de loi que le gouvernement devrait déposer avant l’été, l’Assemblée Nationale a publié le 12 février 2013 un rapport d’information sur la gouvernance des grandes entreprises.

Ce rapport comprend vingt propositions, énoncées ci-dessous. Chaque proposition est complétée par une analyse d’ESSERE ASSOCIES et par une suggestion de plan d’action.

Dans la perspective du projet de loi que le gouvernement devrait déposer avant l’été, l’Assemblée Nationale a publié le 12 février 2013 un rapport d’information sur la gouvernance des grandes entreprises.

Ce rapport comprend vingt propositions, énoncées ci-dessous. Chaque proposition est complétée par une analyse d’ESSERE ASSOCIES et par une suggestion de plan d’action.

Proposition 1 : instaurer, par la loi, une obligation de se référer à un code de gouvernance pour les grandes entreprises cotées et pour les grandes entreprises non cotées dont le total de bilan excède 100 millions d’euros ou dont le montant net du chiffre d’affaires et le nombre moyen de salariés permanents employés au cours de l’exercice dépassent respectivement 100 millions d’euros et 500 salariés;

Fixer, dans la loi, une liste non exhaustive des questions devant être abordées par les codes de gouvernance;

Conférer au président du tribunal compétent le pouvoir d’enjoindre aux sociétés cotées ou non cotées de se conformer à leur obligation de se référer à un code de gouvernance, et de sanctionner pécuniairement la violation de cette obligation.

Il s’agit d’un changement majeur : le rapport vise également les grandes sociétés non cotées, qui seraient donc désormais conduites à se référer à un code de gouvernance.

Pour les sociétés cotées également, avec les seuils de chiffre d’affaires et d’effectifs précités, la proposition va bien au-delà des SBF120 alors que dans les faits l’AMF ne couvrait que le SBF120 dans son rapport annuel de supervision (SBF250 hors 120 : CA médian : 250 M€ ; effectifs médian : 1338p.).

Le rapport estime que c’est au législateur qu’il revient de « guider les organismes chargés de la rédaction des codes de gouvernance en énonçant, de façon non exhaustive, les questions qui devraient faire l’objet de recommandations ». Au vu des exemples cités dans le rapport, la règlementation encadrerait de manière détaillée les thèmes de gouvernance et de rémunération :

  • « l’organisation de la gouvernance des entreprises : cumul et durée des mandats sociaux, critères d’indépendance des administrateurs, rythme et évaluation des travaux des conseils d’administration ou de surveillance, déontologie des administrateurs, dissociation ou non des fonctions de président et de directeur général dans les sociétés à gouvernance moniste, désignation d’un administrateur référent, création et composition des comités des risques et des rémunérations;
  • les modalités de détermination et les conditions de versement de l’ensemble des éléments de la rémunération globale des dirigeants-mandataires sociaux, qu’il s’agisse des composantes de la rémunération totale (rémunération fixe, rémunération variable, notamment en espèces ou sous forme d’indemnités de bienvenue, de départ ou de non-concurrence, jetons de présence, avantages de toute nature), des rémunérations différées sous forme de titres de capital ou encore des rémunérations sous forme de régimes de retraite;
  • les contours de la politique salariale et de l’échelle des rémunérations ».

Le rapport prévoit des sanctions pécuniaires « dissuasives et efficaces » en cas de non respect des dispositions du code, avec pouvoir d’injonction confié à l’AMF pour les sociétés cotées et au Président du Tribunal de Commerce compétent pour les Sociétés non cotées, saisi par le ministère public ou par toute personne intéressée.

Plan d’action : vérifier la conformité des pratiques de l’entreprise au nouveau code dès sa publication

Proposition 2 : pour les sociétés cotées comme pour les sociétés non cotées, faire ressortir la rédaction des codes de gouvernance d’un accord interprofessionnel, négocié par les partenaires sociaux sur la base d’un document de travail préparatoire établi par l’AMF qui, à cet effet, devra consulter l’ensemble des parties prenantes (organisations représentatives des employeurs, représentants des dirigeants-mandataires sociaux et des investisseurs, professionnels du droit et de l’audit, les syndicats de salariés, sous-traitants).

Proposition 2 bis : pour les sociétés cotées, confier à l’AMF le soin d’émettre un simple avis sur le contenu des codes de gouvernance élaborés par les émetteurs et de formuler un avis motivé sur la pertinence des explications fournies par les entreprises pour justifier d’éventuelles dérogations aux règles définies par ces codes.

Pour les sociétés non cotées, confier à une autorité de contrôle le soin d’émettre un simple avis sur le contenu des codes de gouvernance.

La proposition 2bis constitue une évolution « à la marge » de la situation actuelle. Elle consacre les émetteurs comme source légitime du code de gouvernance à la différence des pays anglo-saxons où il est le fruit de la contribution des acteurs du marché des capitaux : investisseurs, émetteurs, autorité de contrôle des marchés financiers, entreprise de marché financier (stock exchange). La proposition innove en offrant un droit de regard ex ante à l’AMF sur le code toujours élaboré par les émetteurs. Elle consacre le rôle de surveillance de l’AMF par rapport à la mise en œuvre du code par les entreprises cotées; ceci est important : en l’absence de conformité justifiée, le pouvoir d’action de l’AMF est renforcé par la proposition 1. Il est possible que l’AMF dispose de ressources complémentaires pour pouvoir contrôler l’ensemble des entreprises cotées.

La proposition 2 impliquerait un changement radical de la démarche. La source première du code de gouvernance ne serait plus les émetteurs, mais l’autorité publique au travers de l’AMF, chargée de préparer un projet de code. Cette proposition est conforme à une tradition colbertiste de gestion de l’économie.

Sur cette base, les partenaires sociaux négocieraient le code de gouvernance. L’utilisation des termes « négociation interprofessionnelle » et « partenaires sociaux » laisse-t-il présager que les principaux contributeurs à la rédaction du code seraient l’autorité publique, les émetteurs et les syndicats ? En ce cas, le nouveau code pourrait être très différent du code AFEP-MEDEF.

Même si les investisseurs sont mentionnés dans la proposition, il ne semble pas qu’ils soient au cœur de la démarche, alors que les actionnaires sont propriétaires de l’entreprise. Il y a un risque que les actionnaires, et en particulier les investisseurs institutionnels étrangers, qui détiennent près de la moitié du capital des entreprises du CAC40, ne retrouvent pas dans le code leurs priorités en matière de gouvernance. Ce second rôle dévolu aux investisseurs dans la rédaction du code peut sembler d’autant plus paradoxal que le rapport préconise par ailleurs (proposition 16) de renforcer le pouvoir de l’assemblée générale sur les questions de rémunération (Say on Pay). Les entreprises avec un actionnariat institutionnel étranger fort développé pourraient donc se retrouver dans une situation schizophrénique : d’une part se conformer à un code orienté « social et sociétal », d’autre part mettre en œuvre des politiques crédibles aux yeux d’investisseurs internationaux soucieux avant tout de faire fructifier l’épargne de leurs clients.

Plan d’action : cartographier la structure actionnariale de l’entreprise, identifier les attentes spécifiques des actionnaires institutionnels, et en cas de divergence entre les dispositions du code et les politiques de vote des actionnaires institutionnels, déterminer les priorités (comply or explain)

Proposition 3 : pour les sociétés non cotées, formuler un avis motivé sur la pertinence des explications fournies par les entreprises pour justifier d’éventuelles dérogations aux règles définies par ces codes.

Permettre à l’autorité de contrôle de saisir le président du tribunal de commerce compétent en cas de non-respect avéré des obligations du code de gouvernance auquel l’entreprise se réfère.

Il s’agit pour les sociétés non cotées d’anticiper, en effectuant courant 2013 une évaluation de conformité des pratiques de gouvernance de l’entreprise avec les recommandations AFEP-MEDEF : composition, organisation, fonctionnement, efficacité du Conseil et de ses Comités…

Elle sera en particulier consacrée à la politique de rémunération des dirigeants, qui doit être efficace pour l’entreprise, et motivante pour les dirigeants.

Plan d’action : comparer sans attendre les pratiques de gouvernance actuelles de l’entreprise aux recommandations du Code AFEP-MEDEF actuel

Proposition 4 : élaborer un code de bonnes pratiques à l’attention des investisseurs.

Cette proposition s’inspire des pratiques britanniques. Toutefois, à la différence du marché britannique, où les investisseurs institutionnels locaux prédominent, quelle serait la portée réelle d’un tel code suivi par les investisseurs institutionnels français alors qu’une part substantielle du capital des émetteurs est aux mains d’actionnaires étrangers ?

Proposition 5 : octroyer un droit de vote double aux actionnaires justifiant détenir leurs titres de capital depuis au moins deux ans, tout en ménageant la possibilité, pour l’assemblée générale extraordinaire des actionnaires, de s’y opposer par un vote à la majorité des deux tiers.

Cette proposition est de nature à renforcer le poids des actionnaires de contrôle en assemblée générale. Elle pourrait donc atténuer le défi éventuel résultant de l’introduction du Say on Pay (proposition 16) en France.

Cependant, cette proposition accroitra également l’importance du vote d’investisseurs institutionnels de longue durée qui ne sont pas représentés au conseil d’administration. Ceci nécessitera que les entreprises disposent d’une connaissance affinée de la structure de leur actionnariat institutionnel et qu’elles aient un dialogue renforcé avec les responsables de la gouvernance au sein de ces institutions.

Plan d’action : cartographier la structure actionnariale de l’entreprise, et renforcer le dialogue avec les actionnaires influents

Proposition 6 : abaisser le seuil exigé des actionnaires de sociétés dont le capital dépasse 15 millions d’euros pour pouvoir demander l’inscription d’un point ou d’un projet de résolution à l’ordre du jour d’une assemblée.

Cette proposition est de nature à renforcer l’activisme actionnarial et l’impact du Say on Pay (proposition 16). Ceci nécessitera des entreprises qu’elles définissent clairement les principes qui guident leur politique de rémunération et notamment le lien avec leur stratégie et leurs valeurs. Les entreprises devront également développer une communication écrite (document de référence, site internet…) et orale (prise de parole en AG, dialogue avec les investisseurs institutionnels) à la hauteur des enjeux.

Plan d’action : construire une stratégie de communication par rapport aux actionnaires, mais aussi aux salariés et autres parties prenantes, ce qui suppose en amont un renforcement de la gouvernance et une formalisation de la politique de rémunération

Proposition 7 : renforcer le contrôle des commissaires aux comptes sur les conventions réglementées, notamment en leur permettant de qualifier ces conventions.

Les commissaires aux comptes devraient présenter aux actionnaires les tenants et aboutissants des conventions réglementées, et pas seulement leur indiquer si ces conventions sont juridiquement valables. Cette proposition va dans le même sens que le Say on Pay (proposition 16), en visant à intégrer tous les composants du package de rémunération dans les conventions règlementées.

L’entreprise sera conduite à mettre en perspective sa politique de rémunération : valeurs, enjeux, efficacité.

Plan d’action : faire l’inventaire et le diagnostic des conventions règlementées, en faire une synthèse pour le Comité de Rémunération, et construire une stratégie de communication qui donne du sens aux résolutions concernant les administrateurs et mandataires sociaux

Proposition 8 : améliorer la visibilité de la stratégie des fonds d’investissement au bénéfice des petits actionnaires en complétant le rapport que le conseil d’administration ou le directoire doit fournir à l’assemblée générale ordinaire annuelle en application de l’article L. 225-100 du code de commerce par une information sur l’échéance à laquelle les fonds d’investissement de type fermé qui ont pris des participations dans la société se sont engagés à restituer les fonds qui leur ont été remis par leurs clients.

Plan d’action : exploiter cette visibilité accrue pour améliorer la cartographie des actionnaires de l’entreprise

Proposition 9 : neutraliser provisoirement les droits de vote attachés à des titres financiers empruntés.

L’objectif de cette proposition est de stabiliser la structure de l’actionnariat de l’entreprise.

Proposition 10 : instaurer, par la loi, une représentation obligatoire des salariés non-actionnaires, avec voix délibérative, au sein des conseils d’administration et de surveillance des entreprises de plus de 5000 salariés, y compris dans les comités spécialisés de ces conseils. Dans l’immédiat, fixer à deux le nombre de représentants des salariés non-actionnaires.

En contrepartie :

  • accompagner la représentation des salariés dans les conseils d’administration et de surveillance en engageant concomitamment une simplification du droit du travail, sans mettre en cause la protection des salariés, notamment grâce à l’instauration d’une sécurisation des parcours professionnels;
  • de manière parfaitement concomitante, alléger les obligations mises à la charge des employeurs par le code du travail, en créant un contrat de travail unique et en simplifiant les modalités de licenciement sans amoindrir le contrôle du juge.

La présence des salariés au conseil d’administration va accroitre les exigences de cohérence de la part des entreprises entre les décisions de rémunération relatives aux dirigeants et l’ensemble des salariés, notamment en matière d’augmentations salariales et de conditions de performance (par exemple, critères des bonus des dirigeants et critères de l’intéressement).

Pour pouvoir expliquer les différences éventuelles, les entreprises devront se doter d’une politique de rémunération formalisée et d’outils de gestion des rémunérations robustes (classification, benchmarks, évaluation de la performance…). La proposition 16 va d’ailleurs également dans ce sens.

Plan d’action : analyser la cohérence entre la rémunération des dirigeants et celle de l’ensemble des salariés, par niveaux, identifier les points d’alerte éventuels et les pistes correctives

Proposition 11 : améliorer le dialogue social :

  • en développant la formation économique délivrée aux salariés, une formation spécifique devant être assurée aux délégués du personnel, aux membres des comités d’entreprise, ainsi qu’aux administrateurs représentant les salariés au sein des conseils d’administration ou de surveillance;
  • en confiant la présidence du comité d’entreprise à un représentant des salariés;
  • en complétant les codes de gouvernance par une recommandation invitant à créer des comités des risques au sein des conseils d’administration et de surveillance, les comités devant informer les conseils d’administration ou de surveillance ainsi que les comités d’entreprise deux fois par an .

Le rapport encourage les formations économiques pour l’ensemble des salariés. Bonne opportunité pour l’entreprise d’expliquer sa stratégie, ce qu’est la création de valeur, le lien entre rémunération et performance, et comment cela est concrétisé à chaque niveau de l’organisation.

Il invite les entreprises à constituer un comité des risques distinct du comité d’audit, qui devra rendre compte au comité d’entreprise des principaux risques et plans d’action correspondants.

Plan d’action : préparer un module de formation relatif au modèle économique de l’entreprise

Proposition 12 : réformer le délit d’entrave au fonctionnement du comité d’entreprise pour permettre une meilleure anticipation des difficultés des entreprises.

Proposition 13 : améliorer la quantité et la qualité des informations du rapport de gestion prévu par l’article L. 225-102-1 du code de commerce sur les questions de diversité, et notamment sur la diversité des origines, des profils, des parcours (universitaires, promotion interne ou recrutement externe…) des dirigeants-mandataires sociaux;

Prévoir l’obligation pour les entreprises d’établir des plans d’action en faveur du développement de la diversité dans les conseils d’administration ou de surveillance.

Plan d’action : établir une feuille de route pour accroitre la diversité du conseil d’administration qui fasse sens par rapport à la stratégie de l’entreprise et de ses valeurs, en fonction notamment de l’évolution de ses marchés et de ses talents

Proposition 14 : limiter plus strictement par la loi les cumuls de fonctions :

  • en limitant à deux le nombre de mandats sociaux pouvant être détenus par un dirigeant en sus du mandat social qu’il détient dans l’entreprise qu’il dirige;
  • en limitant à quatre le nombre de mandats sociaux pouvant être exercés par des mandataires sociaux n’ayant aucune fonction de direction dans les entreprises où ils exercent ces mandats;
  • en interdisant le cumul d’un mandat social et d’un contrat de travail dans les grandes entreprises, sauf pour les administrateurs représentant les salariés.
  • Proposition 14 bis : dans un encadrement plus strict par la loi du cumul des fonctions des mandataires sociaux, prévoir des dérogations spécifiques et mesurées en cas de cumul d’un mandat social et d’un contrat de travail.

Les enjeux pour les dirigeants sont très importants : actuellement, le champ d’application du code AFEP-MEDEF est restrictif, puisqu’il ne concerne que les mandataires sociaux des sociétés relevant du marché réglementé, qui exercent les plus hautes responsabilités. Les autres mandataires sociaux n’entrent en effet pas dans le champ d’application de cette recommandation (par exemple : les directeurs généraux délégués, membres du directoire, ou dirigeants qui, au sein d’un Groupe de Sociétés, exercent des fonctions de mandataire social dans une filiale du Groupe).

Si la proposition 14 devait être retenue, c’est tout le système de protection des dirigeants qu’il faudra revoir (sachant qu’il n’est guère envisageable pour une entreprise, pour des raisons de coût, de compenser le régime d’allocations chômage pour les personnes âgées de plus de 57 ans).

Plan d’action : définir une stratégie d’évolution de la composition des conseils, en relation avec la question de la diversité (proposition 13). En cas de suppression de la possibilité de cumul, faire l’inventaire des avantages supprimés et identifier les pistes de compensation possibles, en cohérence avec la politique de rémunération de l’entreprise

Proposition 15 : créer une procédure d’action de groupe reposant sur le mécanisme de l’ »opt-in » et permettant aux investisseurs victimes de préjudices sériels d’engager la responsabilité des dirigeants-mandataires sociaux ;

Rendre plus effective et plus personnelle la sanction pécuniaire encourue pas les dirigeants-mandataires sociaux responsables d’une gestion fautive, en créant, sur le modèle américain, une action en recouvrement des rémunérations versées.

Il est recommandé aux entreprises de vérifier leur contrat d’assurance RC et de le compléter par une « indemnity letter »; celle-ci précise le type de protection dont bénéficient certains dirigeants en matière de responsabilité civile et pénale (en particulier, conséquences pécuniaires pour toute responsabilité civile et/ou pénale encourues en cas de faute commise dans l’exercice des fonctions, prise en charge des frais de défense lorsque le dirigeant est recherché sur le plan civil et/ou sur le plan pénal…).

Cette indemnity letter vient en complément du contrat RC. Elle engage l’entreprise à appliquer le contrat d’assurance, et lui permet, en tant que « auto-assureur », de compléter la protection prévue par l’assurance, si elle le souhaite.

Plan d’action : vérifier le contrat RC et le compléter par une indemnity letter (ou envisager éventuellement une autre forme de compensation), en conformité avec la politique de rémunération

Proposition 16 : imposer aux grandes entreprises une obligation légale de publier des rapports spécifiquement consacrés à la présentation de leur politique de rémunération de leurs dirigeants-mandataires et à la description lisible, précise et exhaustive des rémunérations individuellement perçues par ces derniers;

Modifier la loi pour reconnaître à l’assemblée générale des actionnaires un droit de vote qui serait :

  • triennal et ex ante lorsqu’il porterait sur les principes et les grandes lignes de la politique de rémunération des dirigeants-mandataires sociaux pour les trois années à venir;
  • annuel et ex post lorsqu’il porterait sur le détail des rémunérations (fixes et variables, mais aussi sous forme d’indemnités de bienvenue, de départ et de non-concurrence) perçues individuellement par les dirigeants-mandataires sociaux au cours de l’exercice précédant l’assemblée générale.
  • Soit reconnaître aux actionnaires un droit de veto sur les principes et le détail des rémunérations dès lors qu’une majorité des deux tiers des actionnaires réunis en assemblée générale exprime un vote négatif;
  • Soit conférer au vote des actionnaires un caractère purement consultatif.

Cette proposition introduirait donc en France un Say on Pay « englobant », alors qu’aujourd’hui il ne porte que sur certains éléments de rémunération (plans de rémunération en capital et rémunération différée des mandataires sociaux). La commission est partagée sur le caractère liant ou consultatif du vote. Cependant, même s’il n’était que consultatif, sur la base de la proposition 1, on imagine mal l’AMF dans le cas des sociétés cotées et la future autorité de contrôle des non cotées, ne pas s’intéresser de près à un vote consultatif négatif ou « contestataire ». Sur le point de la contestation, les entreprises devront également être attentives à la répartition du vote des actionnaires non représentés au conseil d’administration.

Cette proposition de Say on Pay, ainsi que les propositions 5 et 6, renforcent le rôle de l’assemblée générale, et en particulier celui des investisseurs institutionnels. Ces investisseurs sont particulièrement attentifs à deux aspects de la rémunération :

  • Sur le fond, les pratiques de rémunération de l’entreprise, et notamment les rémunérations variables, sont-elles cohérentes avec sa stratégie (management de la performance) et ses valeurs ?
  • Sur la forme, est-ce bien le Conseil d’administration, sur avis du Comité de rémunération, qui est force de proposition sur les rémunérations des dirigeants de l’entreprise ?

La politique de rémunération et la façon dont elle a été élaborée sont en quelque sorte une vitrine de la gouvernance de l’entreprise.

Le premier point implique que la communication de l’entreprise ne pourra plus seulement être factuelle (quantum des packages tel qu’on le retrouve dans les tableaux AMF, description mécanique des plans d’incitation…), mais qu’elle devra aussi avoir pour ambition d’expliquer le « pourquoi du comment » afin de mettre en valeur la politique de rémunération. Ceci suppose évidemment que l’entreprise formalise en amont sa politique de rémunération. Par exemple :

  • Au vu notamment du marché des talents sur lequel l’entreprise est en concurrence, sur la base de quels critères le panel de comparaison des packages de rémunération est-il constitué (« pay comparator group ») ?
  • Tenant compte entre autres de l’horizon d’investissement de l’entreprise et de sa culture de performance, comment les packages sont-ils positionnés et structurés par rapport au panel ?
  • Au vu notamment de la stratégie organisationnelle de l’entreprise et de son modèle économique, quelle sont les finalités distinctes des éléments de la rémunération variable court, moyen et long terme ?
  • En quoi le recours à des critères de performance relatifs à un groupe de comparaison sont-ils justifiés, et sur la base de quels critères le « performance comparator group » est-il sélectionné ?

Le deuxième point soulève la question des rôles respectifs du management et du Conseil d’administration / Comité des rémunérations dans la détermination des packages de rémunération des dirigeants et dans la « vente » de ces décisions auprès des investisseurs, notamment :

  • Le Comité des rémunérations est-il un organe qui valide en aval le fruit de la réflexion du management sur la politique de rémunération ou pilote-t-il au contraire dès l’amont cette réflexion ?
  • Le Comité des rémunérations présente-t-il pour validation un résumé de ses propositions au Conseil d’administration ou au contraire détaille-t-il en séance plénière le pourquoi du comment de ses propositions afin d’encourager le débat ?
  • En cas de dialogue de l’entreprise avec les investisseurs institutionnels et les agences de conseil de vote, qui conduit ce dialogue, les techniciens du management (relation investisseurs, secrétaire du conseil, DRH…) ou un représentant du Conseil d’administration / Comité de rémunération ?

Si les réponses à ces questions sont que le Comité de rémunération pilotera la réflexion sur les rémunérations, que les débats en séances plénières du Conseil d’administration seront encouragés et que les membres du Conseil conduiront le dialogue avec les investisseurs, alors l’introduction du Say on Pay consacrera le rôle prééminent des administrateurs dans le façonnage de la politique de rémunération.

Notons enfin que vu la proposition 1 qui recommande d’appliquer les propositions aux grandes entreprises non cotées, la proposition 16 implique que les grandes entreprises non cotées seront également obligées de rendre public les rémunérations de leurs dirigeants.

Plan d’action : formaliser la politique de rémunération, préciser le processus de décision (répartition des rôles opérationnels Comité de rémunération et management), établir la cartographie des actionnaires, et établir la stratégie de communication – avant la mise en œuvre du Say on Pay en 2014

Proposition 17 : corriger les excès des rémunérations des dirigeants mandataires sociaux non pas par leur plafonnement, mais par une réforme de la fiscalité qui ne serait pas limitée aux revenus des seuls dirigeants mandataires sociaux des grandes entreprises, mais concernerait l’ensemble des hauts revenus;

Abaisser le plafond du montant des rémunérations globales versées aux dirigeants mandataires-sociaux qui est déductible des bénéfices imposables au titre de l’impôt sur les sociétés.

La proposition 17 consacre la fiscalité, en complément de la proposition 16 sur le renforcement du rôle de l’assemblée générale, comme le levier privilégié pour modérer les rémunérations des dirigeants d’entreprise.

La commission ne préconise pas le plafonnement pur et simple des rémunérations. Se pose la question des modalités d’application du levier fiscal préconisé. L’utilisation du terme « excès » interroge : la commission fait-elle référence à quelques cas spécifiques ou considère-t-elle que globalement les dirigeants en France sont excessivement rémunérés alors que des comparaisons internationales montrent que leurs rémunérations sont plutôt en deçà du marché européen ? A noter : la commission parlementaire rejette la référence au marché international. Elle fait sienne les conclusions d’une association britannique de réflexion sur les rémunérations des dirigeants proche de syndicats britanniques qui s’est intitulée « High Pay Commission » (Le rapport de la commission parlementaire précise que cette association est financée par le « think tank de gauche Kompass »).

Cette thèse du cloisonnement national est contestée. Pour des raisons de lobbying et de réseau, il est compréhensible que les Conseils d’administration privilégient les nationaux pour occuper les plus hautes fonctions dirigeantes de l’entreprise. Cependant, il est avéré que dans des entreprises de plus en plus internationales, les Conseils préfèrent un compatriote avec une expérience professionnelle internationale confirmée. Dans ce cas, la compétitivité internationale des packages de rémunération reste critique pour permettre l’impatriation du dirigeant.

Sur cette base, le législateur pourrait s’inspirer des pratiques américaines qui appliquent le principe de la non déductibilité fiscale aux seuls éléments de rémunération garantie.

Observons que pour les entreprises françaises, les stock-options et attributions gratuites d’actions attribuées à des bénéficiaires résidants fiscaux français sont déjà des outils de rémunération dont le coût (valeur IFRS2 ou plus-value d’acquisition) n’est pas déductible à l’impôt des sociétés. Cette distorsion est paradoxale, alors que les meilleures pratiques encouragent l’association des dirigeants au capital de leur entreprise (cf. Royaume-Uni ou directive CRD3 par exemple).

Plan d’action : revisiter sa politique de rémunération au vu de l’évolution de la fiscalité

Proposition 18 : réformer le régime des stock-options et des actions gratuites, notamment :

  • en supprimant la décote applicable aux prix de souscription des options de souscription ou d’achat d’actions par une modification des articles L. 225-177 et L. 225-179 du code de commerce;
  • en allongeant leur durée de conservation minimale obligatoire sur le modèle du « vesting » pratiqué aux États-Unis;
  • en interdisant les mécanismes de couverture;
  • en inscrivant dans les codes de gouvernance une recommandation incitant les entreprises à soumettre le versement de ces rémunérations à des critères extra-financiers appréciables sur le long terme.

Proposition 18 bis : réserver l’utilisation des stock-options aux petites et moyennes entreprises (TPE, PME).

La proposition 18 accélèrera la réflexion des entreprises françaises sur l’horizon de temps de leurs systèmes d’incitation long terme (ILT).

Depuis quelques temps, les actions de performance, plus que les stock-options, sont l’ILT privilégié par les entreprises. La majorité des entreprises françaises callait la période d’acquisition sur le minimum légal de 2 ans, du fait notamment de la période de conservation de 2 ans. Cette durée d’acquisition de 2 ans est inférieure aux pratiques internationales, généralement de 3 ans, et jugée trop courte par les investisseurs institutionnels. En outre, une période d’acquisition limitée à 2 ans ne favorise pas une distinction claire entre l’ILT et le bonus annuel.

Nous pensons que le paradigme des ILT pourrait changer :

Jusqu’à présent, il était implicite que l’objet des plans de stock-options et d’attribution gratuite d’action était, en cas de performance, de permettre aux bénéficiaires d’encaisser régulièrement des plus-values d’acquisition.

A l’avenir, l’objet de ces outils ne devrait-il pas permettre aux principaux dirigeants de se constituer progressivement un patrimoine significatif en actions de l’entreprise qu’ils dirigent ? Au Royaume-Uni, l’idée d’obligation de conservation des actions, même au-delà du départ du dirigeant de l’entreprise, est actuellement évoquée1.

Pendant la période de conservation prolongée des actions, les bénéficiaires se rémunèrent, comme tout actionnaire de long terme, à l’aide des dividendes, donc au travers d’une participation aux résultats. Cette forme de rémunération est plus proche du développement économique sous-jacent de l’entreprise que l’encaissement de plus-values qui peuvent être le résultat des aléas boursiers. De plus, les dividendes sont taxés selon une fiscalité qui est comparativement moins pénalisante.

En un mot, les évolutions législatives et fiscales, l’attente des investisseurs institutionnels, l’accent mis sur la création de valeur durable, pourraient conduire à l’émergence de systèmes d’Incitation Extra Long Terme (XLT).

La proposition 18 impose en outre aux entreprises d’associer à la rémunération en titres des objectifs de performance en matière de responsabilité sociétale (RSE). Si bon nombre d’entreprises incluent déjà de tels critères dans le variable annuel de l’entreprise, ce n’est pas le cas pour les ILT.

Pour les ILT prévalent actuellement les critères financiers et boursiers, puisque sur le long terme, l’objectif d’une entreprise est la création de valeur pour ses actionnaires. Dans une économie de marché, la création de valeur est le meilleur gage de l’utilité économique et donc sociétale de l’entreprise. Cette prévalence des critères financiers et boursiers dans les ILT est d’ailleurs observée tant en France qu’à l’étranger, et nous anticipons que ces objectifs resteront primordiaux aux yeux des investisseurs institutionnels, notamment étrangers. Plusieurs pistes pourront être suivies pour concilier les impératifs législatifs et les attentes des actionnaires :

  • S’assurer que les objectifs RSE choisis rentrent dans le cadre d’une stratégie de création de valeur long terme (méthodes Value Based Management, Balanced Score Card),
  • En contrepartie de la réduction du poids des critères financiers et boursiers dans les ILT, prolonger la période de conservation des titres acquis pour maintenir un lien fort entre dirigeants et actionnaires,
  • Verser en titres une partie du variable annuel comprenant des critères RSE,
  • Introduire à coté du variable annuel et de l’ILT assortis de critères RSE, un XLT comprenant uniquement des objectifs financiers et boursiers.

Enfin, suite aux multiples règlementations affectant la rémunération des dirigeants, les « traditionnels » régimes de faveur ont cessé en France. L’objectif de convergence entre salaires et autres formes de revenu est non seulement atteint, mais dépassé, à contresens. Conséquence : les entreprises doivent rapidement revisiter leurs pratiques de rémunération, et en particulier leurs dispositifs d’actionnariat. Dans ce contexte métamorphosé, certaines pistes de substitution deviennent plus intéressantes (Phantom stocks, SAR …).

Si la proposition 18bis était adoptée et les stock-options interdites pour la plupart des sociétés, plusieurs outils de substitution aux stock-options seraient envisageables (l’équivalent cash en SAR, des actions de performance conditionnées par des critères de TSR, BSAAR, LCP…).

Plan d’action : reposer la question de la finalité des ILT dans le cadre de la rémunération globale au vu de l’évolution de la règlementation, de la fiscalité et de l’attente des investisseurs, préciser le lien entre les objectifs RSE de l’entreprise et la création de valeur, reconsidérer les sous-jacents ILT dans une optique d’optimisation

Proposition 19 : interdire les rémunérations sous forme de « retraites chapeau ».

Depuis 2013, pour les dirigeants taxés à 45% (revenus supérieurs à 150 000€), il est moins onéreux pour une entreprise de verser un salaire différé qu’une retraite « chapeau ».

Cette proposition ne ferait donc qu’achever ce dispositif.

La question est celle du système de substitution : il serait souhaitable que soit mis en place un système portable, qui permettrait aux dirigeants qui quittent leur entreprise avant la date de liquidation de leur retraite à taux plein de conserver leurs droits, ce qui n’est pas le cas en ce qui concerne la retraite Article 39.

La piste qui nous parait devoir être privilégiée aujourd’hui est une retraite sous forme de systèmes d’Incitation Extra Long Terme XLT (sous forme de titres).

Nota : il est possible (souhaitable) de mettre en place un système de reporting périodique exhaustif pour le Comité de Rémunération, avec tous les éléments de rémunération et la revalorisation des engagements de retraite.

Plan d’action : envisager à terme un dispositif de substitution aux retraites surcomplémentaires

Proposition 20 : instaurer par la loi l’obligation pour les entreprises de créer un Comité des Rémunérations et de formaliser les compétences exercées sous la responsabilité du Conseil d’Administration ou de Surveillance.

Cette proposition évoque le rôle et missions du Comité de Rémunération.

Le rapport suggère que la loi précise les missions du Comité de rémunération, comme elle le fait pour le Comité d’audit (Loi n°2010-1249 du 22 octobre 2010 – art. 31). Il en résulte que la loi pourrait être assez directive dans la définition des missions du Comité.

A titre d’analogie : un des membres du Comité devrait disposer de véritables compétences techniques en rémunération, et le Comité devrait faire appel à des prestataires indépendants du management.

Cette proposition est une opportunité pour les Comités de Rémunération de progresser dans leur objectif d’exercer le leadership politique relativement à la rémunération des dirigeants, notamment en déterminant :

  • Les principes, la politique de rémunération, et les modalités de mise en œuvre,
  • Le rôle respectif du Conseil, du Comité, dans le dialogue avec les investisseurs,
  • Ses méthodes de travail et moyens de fonctionnement,
  • La stratégie de communication relative à la rémunération des dirigeants.

Pour jouer pleinement ce rôle, compte tenu de la complexité du sujet, il devient primordial que les Comités puissent disposer des moyens pour en dominer la technicité.

Plan d’action : le Comité devrait effectuer une évaluation de son efficacité, identifier les ressources requises (accès à des bases de données, recours à des expertises externes), ses besoins de développement (formation), estimer la charge de travail supplémentaire